Cadence de pédalage sur Ironman

Cadence, cadence, cadence,… Dans notre panoplie de triathlète-geek, déjà enrichie de capteur de puissance, de carbone 3K et autre Di2, nous oublions parfois de nous servir d’informations très basiques à portée de main, pour pas cher. On a déjà quelques indices concernant une « bonne » cadence en course à pied (85~90 rpm, foulée rasante,…) pour le meilleur compromis rendement / économie d’énergie sur marathon après 180 km de vélo). En revanche, les données concernant la cadence de pédalage, dans une même optique d’efficacité et d’économie, sont encore parcellaires. Chez les cyclistes élites et professionnels, peu de contraintes leur sont imposées en général puisque leur cadence naturelle est proche de leur cadence optimale. On peut voir ici les adaptations liées aux entraînements et aux heures de selle, preuve est que le corps est une formidable machine qui saura s’adapter efficacement aux contraintes qui lui sont imposées. Chez le triathlète, faut voir. cadence_VO2 D’abord, que sait-on ? – La VO2 et la dépense énergétique sont minimales à une cadence de 50~60 rpm (Hintzy 1999, graphique ci-dessus). – Une augmentation de la cadence entraîne une hausse des paramètres cardiorespiratoires (ventilation, FC,…) associée à une baisse de rendement : recrutement supérieur de masse musculaire, baisse de la coordination musculaire, hausse du recrutement de fibres musculaires de type II moins économe. – La cadence naturelle (librement choisie) de l’athlète est toujours supérieure à la plus économe (de 20 à 30 rpm). (Marsch 1993) – Lors d’efforts prolongés (1h, 2h et au-delà), la cadence librement choisie du début baisse vers la cadence optimale (Lepers 2000, Vercruyssen 2001) – Si l’intensité de l’effort augmente, la cadence optimale également. – Une cadence plus basse est synonyme d’une fréquence cardiaque plus basse également. Pour les triathlètes, aucune amélioration en course à pied n’a été relevé après une séance à vélo, quelle que soit la cadence (distance olympique). Jusqu’à présent, l’étude n’a pas été menée sur longue distance, ce qui n’empêche pas d’émettre quelques hypothèses au vu des éléments cités précédemment. L’ironman est une longue journée, notamment pour le système cardiovasculaire, d’autant plus qu’elle se conclut par l’épreuve la plus éprouvante pour le cœur, à savoir la course à pied, synonyme généralement d’une fréquence cardiaque plus élevée. Un « bon » réflexe serait ainsi d’économiser notre pompe à sang sur le vélo, et donc d’agir sur le seul paramètre possible (à vitesse égale) : la cadence de pédalage. Un récent article (Stebbins 2014) vient de montrer qu’une cadence élevée (100 rpm) chez des cyclistes entraînés sur des efforts prolongés (3h) était plus coûteuse qu’une cadence plus basse (80 rpm) en termes de fréquence cardiaque et de dépense énergétique. cout80_100rpm Paradoxalement, et bizarrement, une autre étude (Kounalakis 2012, ci-dessus) a montré que le débit cardiaque restait sensiblement le même, malgré une fréquence cardiaque supérieure à cadence plus élevée (80 rpm vs. 40 rpm), ce qui impliquerait une augmentation de la VES (volume d’éjection systolique : quantité de sang éjecté du cœur à chaque battement). Les conséquences sont encore sujet à débat. Pour conclure, on ne perdra rien à baisser un peu sa cadence de pédalage sur la partie vélo afin d’aborder le marathon un peu plus sereinement. A quelle cadence ? A vous de voir, sur vos longues sorties, avec plusieurs. Cela sera un subtil équilibre entre baisse de la FC et sensations à l’effort (RPE).

BSX Insight et mesure du lactate, suite

Suite à une première présentation de leur produit (ici), Austin Teague, responsable marketing de BSX Insight, nous a apporté quelques précisions quant à leur système de mesure de lactate, à l’heure de sa mise sur le marché.

D’abord, les points positifs, qui méritent  notre attention:

– Le système est fiabilisé par des tests sur plus de 800 athlètes (coureurs et cyclistes), corrélé avec des prélèvements sanguins, avec une précision à +95%.

– Il fonctionne sur tous types (épaisseur, texture) et couleurs (biais de mesure) de peaux, même en condition humide.

– La mesure est effectuée directement à la source (mollet), sur le muscle en fonctionnement.

– Un modèle multisport en préparation (natation).

– Compatibilité avec ta montre favorite (ANT+).

Mais nous pourrions également émettre quelques réserves ou interrogations:

– 2 modèles différents (course/vélo), donc 2 prix différents (sans compter le modèle multisport), pour une même mesure de lactate ? Apparemment une question d’analyse et d’algorithme différents.

Pas encore d’étude indépendante validant ce système de mesure, tous les tests ont été effectués dans leurs propres labos. Sans vouloir être suspicieux, seul un laboratoire indépendant et reconnu sera qualifié pour valider les mérites de leur produit.

– Un point positif qui se retourne en négatif : la mesure de la lactatémie s’effectue sur le muscle en action, le mollet. Autant cela peut se justifier en course à pied, autant le doute est permis en vélo puisque ce sont majoritairement les quadriceps qui participent au pédalage. Il faudrait déplacer le capteur… On ne peut donc qu’être curieux sur les solutions que BSX Insight va proposer natation (bras, épaules, tronc).

– Le système a l’avantage de se passer d’un test en laboratoire avec prélèvement sanguin pour déterminer les différents seuils, notamment le seuil anaérobique. C’est vrai qu’on peut faire un test VO2max à la maison sur un home trainer ou en salle de sport, munis du capteur, mais il faut avoir du matériel à disposition. Et pour information, si les prélèvements sanguins effraient le triathlète douillet, il existe d’autres moyens de déterminer ces seuils en laboratoire en analysant la VO2 et la VCO2.

– Exploitation: le logiciel extrapole le seuil anaérobique via une mesure continue de la lactatémie puis associe les différentes zones de travail en terme de fréquence cardiaque. C’est dommage de transposer la lactatémie en simple FC alors qu’il aurait tellement plus utile de la consulter en direct sur sa montre… On ne peut consulter les données qu’à postériori, une fois la session terminée. Apparemment, il n’existe pas encore de solutions techniques à ce problème. Ce ne doit pas être grand-chose, mais une coopération avec les différentes compagnies de montres (Garmin, Polar, Suunto,…) doit être nécessaire pour développer un modèle spécifique, ou du moins mettre à jour les firmwares en conséquence.

– Les seuils bougent avec l’entraînement (baisse de la lactatémie et hausse de la vitesse/puissance), il sera nécessaire d’effectuer des tests régulièrement pour ajuster ses seuils à l’entraînement.

– Un intérêt pour les courtes distances (format S et M) ou l’athlète (confirmé) flirtera en permanence sur son seuil mais l’athlète sur longue distance, en effort « endurance », aura plus intérêt à gérer sa nutrition et son efficacité gestuelle.

Bref, c’est un produit qui peut paraître prometteur sur le papier, avec une technologie qui semble fiabilisée, mais qui nécessite encore quelques améliorations pour être pleinement exploitable pour le geek-triathlète.

A 300USD le modèle de base, ça mérite réflexion.